n°9 — Happy Easter and Merry Christmas Mr Sakamoto
L’humeur du moment
RIP to the master. Qu’on se le dise, il n’en reste plus beaucoup des géants comme lui.
Le disque du moment
C’est devenu un cliché de la critique musicale de qualifier un album d’habité et pourtant cela n'a jamais été aussi approprié que dans le cas du deuxième album solo de Desire Marea. Écouter On The Romance Of Being, c'est comme s'immerger dans un nouveau royaume en prise avec une étrange météo, quasi biblique, qui fait pleuvoir du sang, de la sueur et des larmes. La gravité est plus forte, les couleurs plus vives et plus tourbillonnantes ; un paysage, tout aussi déroutant qui vous laisse constamment bouche bée. C'est un univers fièrement, profondément et incontestablement queer où le spirituel et l'érotisme sont aussi indivisibles que les parties constitutives de la Sainte Trinité, et où le langage de l'amour n'est caché que si l'on ne parle pas le zoulou.
Le morceau du moment
Fin de l’année dernière, Algiers nous donnait un avant-goût de leur prochain album avec ce single plein d’à-propos, inaugurant une série de collaborations avec différents artistes de la scène rap. Bite Back est un morceau co-écrit avec Billy woods et il démontre que Franklin James Fisher est un immense chanteur.
Il y a 40 ans… le 4 mars 1983
Orchestral Manœuvres In The Dark sortait son quatrième album Dazzle Ships. Après l’incroyable succès commercial de leur troisième opus, Architecture & Morality, leur label Virgin Records fit pression sur le groupe pour sortir un autre album du même acabit. Agacés, Andy McCluskey et Paul Humphreys firent exactement l’inverse, produisant un album moins lumineux que le précédent, et surtout plus expérimental avec plus de collages sonores et l’utilisation d’extraits radio. Dazzle Ships fut éreinté et considéré comme un flop commercial, malgré deux excellents singles Telegraph et Genetic Engineering. Et pourtant, c’est certainement aujourd’hui l’album le plus aimé des fans du groupe, car complètement en prise avec son temps : le début de la fin de la guerre froide et l’irrésistible avènement de la technologie dans nos sociétés.
La réédition du moment
C’est un classique des années 80, qu’il est toujours bon de réécouter une fois de temps en temps. Disque que l’on peut qualifier d’intemporel tant sa modernité vous frappera aujourd’hui et dans 10, 20 ou 50 ans. A l’époque, la regrettée Genesis P. Orridge fondait Psychic TV, ses anciens comparses de Throbbing Gristle, Chris Carter et Cosey Fanni Tutti lançaient leur duo Chris & Cosey.
Enregistré en 1982 et achevé en 1983, Elemental 7 marque un tournant décisif par rapport à la synth-pop sensuelle du duo - elle-même en rupture avec la radicalité extrême de leur groupe précédent, Throbbing Gristle - vers un mélange d'atmosphères abstraites, de plus en plus synthétisées et à la rythmique cousue finement, rejoints par des voix traitées, du Cornet et une masse d'instruments électroniques construits par leurs soins.
Aujourd'hui, alors que des quantités d'enregistrements du début des années 80 sont de nouveau en circulation, il est peut-être plus facile que jamais d'entendre le contraste entre ce son et ce qui a été fait avant et après. Cet album est incomparable dans sa production à bien des égards et ce d'autant plus qu'ils travaillaient en dehors du système habituel des grands studios, s'en tenant plutôt à des principes DIY qui les ont beaucoup servis jusqu'à aujourd'hui, avec peu ou pas de moyen budgétaire.
La perle cachée du moment
FACS est un groupe qui rugit… calmement. Son batteur rythme les morceaux avec un tempo décalé et tonitruant, plaçant des accents là où on les attend pas forcément. La bassiste fait jaillir de son instrument des coulées magmatiques de dissonances, surgissant du mix comme une monstrueuse créature des profondeurs dont les vibrations peuvent être ressenties de très loin. Quant au chanteur, il psalmodie lui aussi des poèmes obscurs mais lourds de sens sur l'aliénation, l'amour brisé, le rejet et la déshumanisation, dans des motifs syncopés et dispersés, dont les lignes se brisent brusquement et de manière non intuitive pour mieux épouser les ruptures rythmiques. Il y a dans ces différentes morceaux des vides entre les notes, des poches d'immobilité et une séparation béante entre les arcs de guitare clairs et aigus et les fréquences ultra-basses de la basse et de la batterie. Étrange album à écouter avec modération.
Ce n’est qu’un au-revoir
Il suffit parfois de quelques notes de piano pour retrouver la sérénité et le calme. L’immense pianiste Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou est décédée à l’âge canonique de 99 ans. Enfant de la haute bourgeoisie d’Addis Ababa, elle reçut une éducation classique en apprenant le violon et le piano, avant d’embrasser une carrière dans le jazz, pour finalement entrer dans les Ordres. Cependant, elle n’abandonna jamais le piano, et cultiva son style bien particulier, très fin de siècle, qui fit d’elle l’une des plus grandes pianistes du siècle dernier.